La voie choisie par Israël le conduit au précipice

Il est difficile de ne pas s’indigner devant tant de souffrances infligées aux populations civiles dans ce conflit, surtout lorsqu’elles sont le résultat d’un usage disproportionné de la force brute par un État moderne, Israël, qui a décidé de punir collectivement un peuple entier, les Palestiniens.

Il va sans dire qu’Israël est doté de l’une des meilleures armées du monde et dispose du soutien total des États-Unis. Il est conduit par le gouvernement le plus extrémiste de son histoire, dont certains membres considèrent ouvertement les Palestiniens comme des « Human Animals. » La situation actuelle est le résultat d’une politique ségrégationniste de longue date à l’égard des Palestiniens, qui consiste notamment à chasser ces derniers de leurs territoires ancestrales au profit d’une nation israélienne fondée sur le principe d’appartenance religieuse.

Inutile de préciser que fonder une nation sur le seul critère de la religion est un non-sens total dans le monde moderne d’aujourd’hui. On se pose alors la question de savoir pourquoi tant de sang est versé pour quelque chose qui est absurde. Pourquoi les Israéliens et les Palestiniens ne peuvent-ils pas vivre en harmonie dans un même État démocratique fédéral ? Après tout, il existe de nombreuses autres nations où différents peuples ou groupes ethniques et religieux vivent ensemble en paix. L’Afrique du Sud est probablement le meilleur exemple, car il a connu une histoire de ségrégation semblable à celle d’Israël. Grâce à la sagesse de ses dirigeants, notamment le président De Klerk et Nelson Mandela, et à la pression de la communauté internationale, l’Afrique du Sud a pu surmonter ses divisions et son régime d’apartheid, alors que la différence culturelle ou ethnique entre les populations blanche et noire était encore plus grande que la différence entre les Palestiniens musulmans et les Israéliens juifs.

La solution au conflit israélo-palestinien dépend avant tout de la bonne volonté de la classe politique israélienne. Or, le pays est dominé par des forces corrompues, racistes et antidémocratiques, qui veulent accomplir leurs passions irrationnelles par la force brute. Après tout, pensent-elles, Israël a été fondé dans la violence et a gagné toutes les guerres contre les Palestiniens et les Arabes. De plus, Israël a toujours eu le soutien total des Etats-Unis, qui sont les seuls à pouvoir l’obliger de changer de politique envers les Palestiniens. A quoi bon de changer de cap dans ces circonstances ?

Je ne pense pas qu’à l’avenir, Israël soit toujours gagnant dans sa politique de ségrégation contre les Palestiniens. Le monde a beaucoup changé et la classe politique israélienne ne s’en rend manifestement pas compte. Aujourd’hui, le pays est pris au piège entre les forces tectoniques de l’ordre multipolaire émergent et de l’ordre unipolaire en déclin personnalisé par les États-Unis. Je suis sûr que, dans un avenir pas si lointain, personne n’enviera plus la situation d’Israël, qui a tous les ingrédients pour subir le même sort que l’Ukraine ou d’autres pays qui se sont retrouvés piégés dans le jeu géostratégique de grandes puissances mondiales.

Il est urgent pour la classe politique israélienne de comprendre que la politique actuelle est également un désastre morale pour les Israéliens. Ce désastre moral s’est déjà transformé en désastre politique, tandis que le désastre militaire est à la porte.

Il est urgent de convenir d’un cessez-le-feu immédiat et d’ouvrir la voie à des négociations de paix sérieuses et sincères. Les deux parties au conflit ne peuvent cependant pas parvenir seules à une solution, car le conflit ne se limite pas à elles seules. Ce conflit était dès le départ un conflit international. Israël était cependant gagnant, car l’ordre mondial établi lui était très favorable. Or, à présent, les Palestiniens sont soutenus par des puissances émergentes du nouvel ordre mondial multipolaire (Turquie, Iran, pays arabes, Russie, Chine, etc.), ce qui est une très mauvaise nouvelle pour Israël. Ces puissances émergentes considèrent Israël comme un État criminel fantoche utilisé par les États-Unis comme bras armé pour contrôler le Moyen-Orient et ses ressources pétrolières selon le principe « diviser pour régner ». Cela n’augure rien de bon pour l’avenir d’Israël.

Il y a néanmoins suffisamment de bonne volonté au sein de la communauté internationale pour aider les Israéliens à envisager la solution d’un État démocratique commun aux deux peuples à l’exemple de l’Afrique du Sud. Israël étant toujours en position de force, il peut mettre en œuvre une telle solution, mais encore faut-il que ses dirigeants le veuillent. Il doit garder à l’esprit que le jour où il ne sera plus en position de force, ce qui arrivera tôt ou tard, aucune solution permettant de maintenir son existence ne sera plus possible.

Tant Israël que les États-Unis étant dominés par des passions destructrices, sur fond de corruption morale sans précédent, je n’ai pas beaucoup d’espoir pour l’instant quant à la solution évoquée, mais je ne désespère pas non plus totalement, car je sais que la raison finit toujours par l’emporter sur la folie, parfois au prix d’une longue descente aux enfers. La voie actuellement suivie est celle de la folie meurtrière, dirigée surtout contre les populations civiles palestiniennes, qui peut à tout moment embraser toute la région, voire au-delà. Seule la compassion, qui est un devoir religieux tant pour les juifs que pour les musulmans, peut calmer cette folie.

Quel avenir pour le monde, en particulier pour l’Occident ?

Celles et eux qui me connaissent peuvent confirmer mon profond scepticisme à l’égard de la politique moderne, qu’elle soit nationale ou internationale. Cela est certainement dû au fait que j’ai grandi dans un pays qui a connu une terrible guerre civile pendant plus de quatre décennies, provoquée et alimentée par les gouvernements en place, ainsi que par des puissances mondiales et régionales, au mépris total des populations civiles du pays, qui en ont subi les conséquences. J’ai également observé que les grandes puissances occidentales qui ont dominé le monde au cours des derniers siècles ont commis en toute impunité le crime du colonialisme, des meurtres de masse et de nombreux autres crimes afin de dominer et d’exploiter les ressources naturelles et la main-d’œuvre sur les cinq continents. Je me suis rendu compte que les discours politiques officiels de tous bords, de gauche comme de droite, n’étaient que de la rhétorique trompeuse ou, au mieux, vide. J’en suis venu à penser, avec Dostoïevski et Nietzsche, que la caractéristique principale de la modernité, malgré tous les progrès de la science et de l’éducation – ce qui est très paradoxal – était le nihilisme (cf. Nihilisme) croissant d’un monde moderne, en particulier occidental, qui non seulement ne croit pas à la justice ou à la vérité, mais utilise délibérément toute sa puissance politique, économique et militaire pour saper le sens de la justice et de la vérité qui subsiste dans d’autres cultures, en particulier lorsque celles-ci sont porteuses de traditions, coutumes et croyances philosophiques et religieuses ancestrales. Face à la situation catastrophique du monde actuel, j’ai abandonné l’espoir d’un avenir collectif réjouissant et j’ai acquis la conviction que le monde était prêt pour une nouvelle « descente aux enfers », comme pendant la Première ou la Seconde Guerre mondiale. (cf. Pourquoi l’Afghanistan ne se normalise pas ?; Pourquoi aurons-nous encore des guerres ?)

Dans ce contexte, la guerre en Ukraine, bien qu’elle m’ait surpris au départ, n’a fait que confirmer mes craintes. Les incendies allumés ou alimentés par les puissances occidentales ont ainsi gagné l’Europe orientale. La guerre peut désormais atteindre l’Europe occidentale et/ou les États-Unis à tout moment, de manière soudaine, inattendue et de plein fouet. La situation actuelle est d’une extrême gravité, mais la classe politique occidentale ou européenne semble ne rien y comprendre. Cela n’a rien d’étonnant, car pour comprendre ce genre de choses, il faut chercher la vérité, et pour garantir la paix, il faut la construire sur le principe de la justice. La classe politique occidentale manque d’une telle capacité, car elle est ignorante, moralement corrompue et accro à l’usage de la violence. Or, lorsque la classe politique d’un pays présente des caractéristiques aussi inquiétantes, le pays va inévitablement à la catastrophe, tôt ou tard. C’est ce qui arrive à l’Ukraine, pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres.

Le nihilisme a profondément rongé les racines de la civilisation occidentale, plus que partout ailleurs dans le monde. Prenons l’exemple des États-Unis : Ce pays a perdu la culture qui a fait sa grandeur et sa prospérité. Aujourd’hui, ils se retrouvent noyés dans des idéologies post-modernes et totalement piégés entre les mains d’une élite économicopolitique corrompue et incroyablement ignorante. Le pays entier, y compris les deux grands partis politiques qui se partagent le pouvoir en alternance et forment traditionnellement un seul « Business Party », est dorénavant profondément divisé. Il y a en réalité deux Amériques qui ne peuvent plus se voir. Le dialogue est devenu impossible. Seules les passions destructrices ont libre cours. Tous ces éléments sont des signes avant-coureurs d’une guerre civile en gestation. Seule la politique étrangère des États-Unis échapperait, en apparence, à cette division, mais cela rend la situation encore plus explosive, car le gouvernement américain pourrait être tenté de lancer une guerre directe contre la Chine ou la Russie, afin de détourner l’attention du pays. Mais cela ne fera que retarder un nécessaire retour aux valeurs fondamentales de la culture américaine que les Américains associent à l’ancienne culture gréco-romaine et à la morale chrétienne. Les États-Unis n’étant plus les maîtres incontestés du monde tant sur le plan économique que politico-militaire, une guerre avec la Russie ou la Chine peut entraîner des conséquences absolument dévastatrices pour eux-mêmes et pour le monde entier. Elle peut même signifier la fin de l’humanité organisée sur Terre, car le risque d’une guerre nucléaire est réel en cas de conflit militaire directe entre les superpuissances nucléaires.

Malgré tout cela, je garde l’espoir d’un avenir meilleur, car j’ai de bonnes raisons pour cela. J’observe heureusement que le reste du monde, en dehors de l’Occident qui comprend également la Russie selon moi, est moins affecté par le nihilisme. Je prends l’exemple de la Chine, qui a, à elle seule, davantage contribué à réduire la pauvreté dans le monde que le reste du monde dans son ensemble. Cet immense pays semble heureux et optimiste pour son avenir, malgré les menaces de guerre permanentes de l’Occident. La Chine semble avoir définitivement rompu avec le communisme meurtrier de Mao, en embrassant sa culture millénaire, imprégnée des meilleures traditions confucianistes et taoïstes – une culture dans laquelle l’unité harmonieuse de l’homme et de la société l’emporte sur les instincts destructeurs et les antagonismes meurtriers. Son modèle économique est également en accord avec ses belles traditions. La Chine a repris l’économie de marché qui existait avant le capitalisme, mais sans prendre le capitalisme lui-même.[i] Car les Chinois savent à quel point le capitalisme a été destructeur pour les sociétés occidentales, tout comme l’a été le communisme pour la Chine. Ils estiment que l’économie et l’État doivent être au service du pays et de sa population, et non au service d’une élite privilégiée.

En Occident, en revanche, tout semble être au service de l’économie, contrôlée par une petite élite extrêmement riche. Ce « tout » comprend l’Etat, les lois, l’éducation, la culture, les idéologies officielles, la société entière. Le capitalisme a eu pour conséquence, entre autres, le fait que les pays occidentaux ont totalement rompu avec leur culture ancestrale, y compris la morale chrétienne, pour n’instaurer que le culte du profit, le conformisme politique, l’hédonisme et la perversion morale qui l’accompagne.

Dans la situation tendue actuelle, le problème n’est donc pas la Chine, qui mène une politique économique saine qui a permis d’améliorer les conditions de vie non seulement de plus de 1,3 milliard de personnes en Chine, mais aussi celles de populations sur les cinq continents, y compris en Occident. La Chine n’aspire pas, comme le prétendent malhonnêtement les médias officiels occidentaux, à devenir le futur empire mondial. La Chine est déjà trop grande pour être gouvernée de manière adéquate et, de plus, les Chinois savent, en voyant l’exemple des États-Unis, qu’essayer de contrôler le monde sera pour eux une malédiction qui détruira leur pays.

Il ne faut pas se voiler la face. Depuis leur fondation en 1776, les États-Unis ont participé à plus de 400 guerres dans le monde, dont la moitié depuis 1950 et un quart depuis la fin de la guerre froide (Introducing the Military Intervention Project: A New Dataset on US Military Interventions, 1776–2019). Plus de 4,5 millions de personnes sont mortes dans des guerres impliquant les États-Unis depuis 2001 (cf. Quatre millions et demi de tués par les « guerres américaines » après le 11 septembre 2001). Depuis sa guerre contre le Vietnam en 1979, la Chine n’a plus participé à une guerre, n’a renversé aucun gouvernement dans un pays étranger et s’est concentrée sur son développement économique. En Occident, en revanche, le développement économique est en panne depuis longtemps. Son économie est devenue fondamentalement spéculative, à la recherche de gains financiers rapides, sans créer de valeurs réelles qui profiteraient au bien-être des populations en Occident ou ailleurs. Cela explique en grande partie la baisse du niveau de vie réel des populations d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord au cours des dernières décennies.

Nous devons en toute modestie prendre l’exemple sur la Chine et sa culture populaire millénaire, qui est, par ailleurs, semblable dans son essence à l’ancienne culture gréco-romaine.

Le problème de l’Occident est lui-même, avec sa perte totale de valeurs, qui se traduit par le nihilisme et toutes sortes d’idéologies postmodernes absolument toxiques, son capitalisme prédateur, sa nostalgie coloniale toujours vivace, sa schizophrénie en matière de politique internationale, etc. Hélas, tout cela rend les sociétés occidentales elles-mêmes si pessimistes, en abandonnant tout espoir d’un avenir meilleur, qu’elles deviennent clairement suicidaires en cessant de se renouveler. Or, l’on sait que les sociétés qui ont décidé de ne pas se renouveler ont disparu du cours de l’histoire.

Si l’Occident veut son salut, il doit revenir d’une manière ou d’une autre à ses racines gréco-romaines, surtout à sa morale chrétienne. Il ne sera alors plus en conflit avec lui-même ou avec d’autres pays ou cultures, et retrouvera une place honorable dans la famille de l’humanité. Il ne semble toutefois pas en avoir envie, ce qui me fait croire que le chemin sera probablement long et très douloureux ressemblant plutôt au purgatoire de Dante.

Tout cela n’est pourtant pas une raison suffisante pour perdre l’espoir (cf. l’Espoir) de voir la raison l’emporter sur les passions destructrices qui caractérisent notre époque. L’être humain n’est pas seulement capable du pire, mais aussi du meilleur. Et qui sait, peut-être que la main invisible de la Providence fera pencher la balance du bon côté.


[i] Cela me fait penser à la dialectique de Hegel (thèse, antithèse, synthèse), selon laquelle la contradiction entre les opposés conduit finalement à un état de chose évolué, comprenant les qualités positives des opposés.