Pourquoi devrions-nous nous intéresser au stoïcisme ?

Le stoïcisme est une école philosophique très intéressante du fait de son caractère pratique et de son contenu moral universel. L’école a été fondée par le philosophe grec Zénon de Kition, mort en 262 av. J.-C. Aucune de ses œuvres n’a survécu. Cependant, nous avons eu plus de chances avec les œuvres de ses illustres successeurs romains, Sénèque, Épictète et Marc Aurèle. Le premier était le précepteur de l’empereur Néron, le second était un esclave et le dernier était un empereur romain. C’est un rare exemple de pensées humaines qui se rejoignent malgré les origines sociales opposées à l’extrême de ses auteurs. La raison en réside dans leur puissance morale mais aussi dans leur impact presque thérapeutique sur les individus.

Personnellement j’y puise ma force pour affronter les difficultés de la vie quotidiennement mais aussi au moment des choix particulièrement difficiles à opérer. J’ai découvert cette école à l’époque où j’étais jeune étudiant à l’université. Cependant, l’idée qui m’en a été donnée à ce moment-là relevait plutôt de la caricature, car les philosophes stoïciens ont été décrits comme des personnages sans empathie, y compris envers leurs propres familles. C’est effectivement l’image que nous pouvons en tirer de prime abord si nous prenons les choses de manière littérale et ne nous donnons pas la peine d’approfondir nos connaissances en la matière. C’est beaucoup plus tard en lisant Sénèque, Épictète et Marc Aurèle que j’ai découvert une philosophie morale puissante que je pratiquais déjà partiellement, sans le savoir, en raison de mon éducation et des traditions stoïques dans lesquelles j’ai grandi. À l’époque, mon pays était déjà en pleine guerre civile et je pensais que ma famille ne survivrait pas intégralement. Cela me rendait malade. Je lisais beaucoup à côté de mes études de droit, notamment les œuvres de grands philosophes du passé, pour trouver une solution à mon pays meurtri et, surtout, sauver ma famille. Le destin m’avait alors privilégié en m’accordant un répit de quelques années en raison de mes études que j’ai pu commencer, car je n’avais pas encore 18 ans pour être enrôlé de force dans l’armée. Comme l’existentialisme était toujours à la mode dans le milieu universitaire, j’y me suis intéressé de près mais n’y ai pas trouvé d’idées valables pour m’aider à traverser la guerre. Il m’a semblé même totalement à côté de la réalité, voire suicidaire dans ce contexte-là. J’ai alors décidé de me laisser guider par les croyances et le courage des gens ordinaires de mon pays, qui parvenaient à endurer la guerre et toutes les privations qui l’accompagnaient tout en restant attachés à leur liberté, sans perdre le sens de la justice, ni se mettre à genou devant des gouvernements autoritaires et à la solde des puissances étrangères. Un quart de siècle plus tard, j’ai redécouvert ma passion pour la philosophie, non en raison de la guerre cette fois, mais du fait des difficultés personnelles et professionnelles. C’est en lisant l’Histoire de la philosophie occidentale de Bertrand Russell que je me suis rappelé du stoïcisme. J’ai alors commencé à lire Sénèque, Épictète et Marc Aurèle et été impressionné par le caractère pratique de cette philosophie, dont les idées morales m’ont semblé valables sans limites temporelles et culturelles. J’ai toujours pensé que les choix de vie valables sont ceux qui procèdent des principes éthiques indiscutables. Les œuvres de ces grands hommes m’ont permis de clarifier mes idées et d’adopter une approche plus consciente et plus confiante dans la vie. C’est en comparaison constante avec mon expérience de vie, avec les valeurs culturelles dans lesquelles j’ai grandi et dans lesquelles je vis actuellement que j’ai cherché le sens de leurs écrits. Ce n’était donc pas une lecture dogmatique et passive, mais une réflexion critique à laquelle j’ai soumis le concept entier du stoïcisme. J’ai alors découvert une mine d’idées nouvelles ou familières, mais sur lesquelles je n’avais pas réfléchi suffisamment jusque-là, qui m’ont permis de m’imperméabiliser face aux vicissitudes de la vie. Ce, compte tenu du fait que je m’étais approché dangereusement et plus d’une fois d’un point de rupture, alors que paradoxalement je vivais en paix et dans un confort relatif. C’était cependant un faux confort qui me privait de la combativité qui était nécessaire pour résoudre les problèmes réels auxquels j’étais confronté et auxquels nous sommes normalement tous confrontés.

Je sais que tous les grands caractères, d’une manière ou d’une autre, ont eu le stoïcisme dans leur sang. En effet, le stoïcisme en tant que philosophie fournit les moyens nécessaires pour forger son propre caractère, acquérir et maintenir une force de volonté face à l’adversité, se détacher de toute sorte de contraintes matérielles ou sociales pour rester libre et indépendant dans ses choix, maîtriser ses émotions négatives, telles que les peurs, la colère, les envies démesurés ou condamnables, etc., et faire des choix commandés à la fois par la sagesse, le sens de la justice et la prudence. Il n’incite pas à s’isoler, une tendance malheureuse chez les philosophes et autres penseurs lorsqu’ils se sentent persécutés ou font l’objet de la risée, mais à participer pleinement à la vie sociale et politique. Il a une vision très cosmopolite du monde qui est perçu comme une réalité organique, à l’exemple d’un corps vivant, alors que nous avons généralement une vision mécanistique, suggérée par les idéologies dominantes d’aujourd’hui ainsi que par les sciences de la nature.

Le stoïcisme ne résout cependant pas tous les problèmes. Il ne promet pas la vie après la mort, ni le paradis sur terre. En tant que philosophie, il représente une pensée sereine et cohérente visant à nous fournir des bases solides pour faire des choix moralement valables et pour mieux contrôler nos émotions et nos actes. Il nous rend plus résilients, sans nous priver des émotions positives et de l’empathie notamment et nous offre ainsi plus de chances de vivre une vie heureuse. Il fait l’éloge de l’effort plutôt que celui du confort matériel que nous offre la vie moderne temporairement. Il nous prépare à affronter les difficultés qui peuvent nous attendre à chaque tournant de la vie. Ses idées sont simples et accessibles à tout le monde. Elles nous permettent de nous améliorer et, de ce fait, améliorer le monde. Ce n’est pas une religion, mais une attitude absolument rationnelle face à la vie. C’est un remède contre un manque de repères ainsi que contre la recrudescence de souffrances, notamment psychologiques, qui caractérisent la vie moderne. Il peut être pratiqué partout, y compris le lieu de travail ou des places plus difficiles à vivre comme les hôpitaux, la prison, l’armée, etc. Il nous aide à vivre en personnes libres, sans crainte du présent, de l’avenir ou de la mort.

À lire :

Sénèque, Lettres à Lucilius ;

Épictète, Le Manuel d’Épictète ;

Marc Aurèle, Les Pensées pour moi-même.

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